Taylor Swift en concert à Paris : comment a-t-elle conquis le monde ?
7 mai 2024 à 7h00 par Étienne Escuer
L’ouragan Taylor Swift débarque en France avec son The Eras Tour. La chanteuse américaine donne quatre concerts très attendus à Paris La Défense – Arena du 9 au 12 mai. Analyse du phénomène.
« The Eras Tour, c'est au minimum la tournée de la décennie, peut-être celle des 50 prochaines années. » Morgane Giuliani, journaliste et autrice du livre Taylor Swift, la rebelle devenue icône (paru le 2 mai chez Talent Editions), invite à mesurer l’ampleur de la tournée de la star américaine, de passage à Paris du 9 au 12 mai puis à Lyon en juin. « C’est une tournée concept qui revient sur l'ensemble de sa carrière, qui dure plus de trois heures avec une quarantaine de chansons. Le public a bien compris que c'est une tournée événement qu'il ne faut pas louper. » Fin 2023, The Eras Tour, qui comptera au total plus de 150 dates, avait déjà rapporté plus d’un milliard de dollars de bénéfices, un record. La liste des records de la chanteuse de 34 ans, désignée personnalité de l’année par le prestigieux magazine Time en 2023, ne cesse d’ailleurs de s’allonger. Mais comment est-elle arrivée au sommet de l’industrie musicale mondiale ?
Des débuts dans la country
Enfant, Taylor Alison Swift de son nom complet, rêve de devenir star de la country. Née en Pennsylvanie dans une famille aisée, « elle arrive à convaincre ses parents de déménager à Nashville, la capitale de la country », explique Morgane Giuliani. Taylor Swift écrit, compose, chante. C’est finalement une chanson écrite en quinze minutes pendant un cours de maths au collège, Tim McGraw, qui propulse l’adolescente sur le devant de la scène. « Elle sort un premier album à l’âge de 16 ans, qui porte son nom, qui marche très bien. Au total, elle va sortir trois albums de country qui se vendent à des millions d’exemplaires chacun et qui arrivent à toucher un public hors du public habituel de la country », poursuit la journaliste. Son deuxième, Fearless, porté par le succès des singles Love Story et You Belong With Me, lui apporte un premier Grammy Award d'album de l'année à seulement 18 ans. Taylor Swift est alors l’artiste la plus vendue aux Etats-Unis, malgré son jeune âge, et son Fearless Tour (une cinquantaine de dates) est un indéniable succès.
Tout n’est cependant pas rose pour la jeune star, qui connait en 2009 un premier coup dur. Alors qu’elle reçoit un MTV Video Music Award pour le clip de You Belong With Me, le rappeur Kanye West débarque sur scène, prend le micro et affirme que Beyoncé aurait dû être récompensée à sa place. « C’est très violent », souligne Romain Burrel, journaliste culture et musique, qui collabore notamment pour le magazine Rock&folk. « C’est une femme qui en a pris plein la figure. On n’épargne pas grand-chose aux femmes. » L’événement participera d'ailleurs à l’évolution de la chanteuse quelques années plus tard vers des positions plus féministes. En attendant, Taylor Swift sort en 2010 un autre album aux accents country, Speak Now.
Le virage pop
Au sommet de la country, Taylor Swift ne veut cependant pas s’arrêter là. « A un moment donné, la country est devenue un carcan pour quelqu’un comme Taylor Swift. Elle avait des envies de démesure et elle sentait qu’elle était capable de croquer le monde », explique Romain Burrel. « Elle s’est dit que la country était très populaire aux Etats-Unis, mais qu’elle allait avoir du mal à rentrer en compétition avec des popstars comme Beyoncé ou Rihanna. Et la country est considérée comme une musique très blanche, parfois assez réactionnaire, conservatrice. Elle avait envie de toucher un public plus large et de sortir de l’image surannée de la country. » S’ensuit alors avec l’album Red, sorti en 2012, un virage progressif vers la pop. Selon Morgane Giuliani, « le passage à la pop, ça reflète aussi son évolution personnelle et sa nouvelle vie. Elle déménage à New York vers 22-23 ans et la pop reflétait mieux cette nouvelle vie de New-Yorkaise qu’elle était en train de mener. » Si sa vie de jeune femme et ses histoires amoureuses restent au cœur de ses textes, ces derniers prennent un ton plus adulte. « Avec Red et 1989, un public plus large l’a découvert. Avant, c’était une artiste qui ne passait pas en radio, notamment en France », note Romain Burrel. 1989, sorti en 2014 et à ce jour son album le plus vendu, sur lequel figure entre autres l’entêtant Shake It Off, apporte à Taylor Swift un deuxième Grammy Award d’album de l’année, une première pour une femme.
« Une parolière de l’intime »
Contrairement à bon nombre de stars de la pop, Taylor Swift fait le choix d’écrire ses propres textes, qui s’inspirent souvent de sa vie. « Tout le monde dans la musique a sa spécialité qui lui permet de se distinguer des autres. La narration, c’est mon truc », expliquait-elle dans le documentaire qui lui est consacré sur Netflix, Miss Americana. « C’est quelqu’un qui écrit sur sa vie intime, qui a un grand sens de l’observation, de la formule, elle sait trouver les tournures de phrases qui vous restent en tête », confirme Morgane Giuliani. « Elle parle de sa vie mais elle arrive à trouver une tournure universelle à ses chansons. Ses fans ont l’impression d’avoir une amie avec laquelle ils partagent des expériences de vie similaires. C’est assez paradoxal, c’est une méga-star mais à laquelle les fans s’identifient. » Ses chansons, « c’est un peu comme un journal intime pour elle. C’est vraiment les aléas d’une fille de son âge. Elle arrive très bien à raconter l’amour : le fait de tomber amoureux, comment se passe une relation, la rupture, etc. C’est vraiment une parolière de l’intime. »
Cela explique notamment le succès tardif de Taylor Swift en France. « On n’est pas un pays anglophone, on a donc du mal à comprendre les paroles de ses chansons et on passe à côté de 80% de l’intérêt de sa musique », confie Romain Burrel, qui rappelle que « raconter des histoires, c’est l’essence de la country, qu’elle a appliquée à la pop ». Selon le journaliste, « une des raisons de son succès, c’est son génie à mettre sa vie en scène. Je suis sidéré de voir à quel point derrière chaque album, on cherche l’histoire d’amour qui pourrait inspirer son disque. A chaque album, les fans cherchent à comprendre si telle chanson est reliée à telle personne avec qui elle aurait eu une relation. »
Une relation particulière avec ses fans
Tout au long de sa carrière, Taylor Swift a su créer une relation très forte avec ses fans. Elle communique avec eux en ligne, les invite à des sessions privées, leur offre des cadeaux, et surtout, développe un jeu d’énigmes avec celles et ceux que l'on appelle « Swifties ». Puisqu’elle sait que chaque titre, chaque parole et chaque clip sera décortiqué, elle fait le choix d’en jouer et place régulièrement des messages plus ou moins cachés pour ses fans. « Elle leur laisse des indices dans ses chansons, ses tenues ou ses clips, qui peuvent faire référence à d’anciennes musiques ou d’autres à venir. Déjà toute jeune, elle avait compris qu'il fallait beaucoup communiquer avec le public, sur MySpace à l'époque », analyse Morgane Giuliani.
Romain Burrel abonde en ce sens : « elle sait ce qu’elle veut raconter, comment elle veut le raconter, comment entrer en résonance avec ses fans. Elle sait mettre en scène sa vie privée, donner quelques éléments à ses fans pour qu’ils sachent de quelle relation elle parle dans ses chansons. Si vous intriguez les gens, la moitié du travail est fait, au-delà du fait que les chansons sont très redoutables. » L’aura de la chanteuse est aujourd’hui presque mystique. « Les fans de Taylor Swift, c’est quelque chose de très mystérieux. On est plus proche des JMJ que du concert, l’ambiance est dévotionnelle, le public connait les chansons par cœur, s’habille comme elle », poursuit Romain Burrel. « Je pense qu’il y a quelque chose de quasi religieux, oui », confirme Morgane Giuliani. « En tout cas c’est quelqu’un qu’ils défendent comme si elle faisait partie de leur famille. » Lorsque la star est ainsi victime de montages pornographiques créés avec l’intelligence artificielle, les Swifties inondent les réseaux sociaux de photos de l’artiste pour les noyer dans la masse, et obligent la Maison Blanche à réagir.
Travailleuse et bien entourée
Taylor Swift a également rapidement démontré une grande capacité de travail et un talent pour bien s’entourer. « C’est vraiment de très belles pop-songs. D’un point de vue songwriting, c’est très bien exécuté, la production se répond d’un album à l’autre. Il y a toujours quelque chose qui arrive à capter l’air de l’époque », observe Romain Burrel. « La pop music va tellement vite, vous êtes obligée de changer de style musical régulièrement. Elle a cette envie de se réinventer à chaque album, avec ce rythme métronomique de presque un album par an. » « Il faut que plusieurs planètes s'alignent pour arriver à ce niveau-là », ajoute Morgane Giuliani. « Elle est très bien entourée, elle a su très bien choisir ses collaborateurs, Jack Antonoff notamment, qui la suit depuis 10 ans, ils écrivent des tubes à la pelle. » L’ancien guitariste du groupe Fun collabore depuis plusieurs années maintenant avec Taylor Swift, tout comme Aaron Dessner, du groupe The National. Tous les deux ont contribué à l’écriture de son dernier album, The Tortured Poets Department, sorti le 19 avril.
« C’est un double album, personne ne l'attendait, c'était une surprise », continue l’autrice et journaliste. « Pour réussir à sortir 30 chansons qui tiennent la route alors que vous êtes en pleine tournée mondiale, ça montre aussi qu'elle a énormément de choses à dire et qu'elle arrive à prendre le temps de tout faire en même temps, ce qui est assez impressionnant. Si elle en est arrivée là aujourd'hui, ce n'est pas un hasard et ce n'est pas seulement le fait du marketing. »
Un artiste qui sait rebondir
Et quand des difficultés se présentent, l’artiste sait rebondir. En 2016, Kanye West sort sa chanson Famous, dans laquelle il utilise le nom et l’image de Taylor Swift, avec des paroles plus que déplacées : « Je pense que moi et Taylor pourrions coucher ensemble. Pourquoi ? J’ai rendu cette pute célèbre. » Si la jeune femme se dit horrifiée, Kanye West assure avoir eu son accord, et sa femme Kim Kardashian dévoile un enregistrement audio censé prouver ses dires. Le document s’avèrera plus tard être un montage mais qu’importe, la réputation de Taylor Swift est salie, l’artiste est décrite comme manipulatrice. Elle décide alors de prendre du recul et n’apparaitra plus publiquement pendant un an. En 2017, Taylor Swift finit par revenir avec un nouvel album, cathartique et beaucoup plus sombre que les précédents, baptisé… Reputation.
L’artiste sait utiliser les difficultés rencontrées pour revenir plus fort. « En 2019-2020 elle était censée promouvoir son album Lover, faire une tournée des festivals, ça a été annulé par le covid », explique Morgane Giuliani. « Elle se retrouve à enregistrer son album Folklore, très différent de ce qu'elle a pu faire jusque-là, très folk, personne ne l'attendait sur ce registre-là. Il est enregistré dans le dos de sa maison de disque, qui ne l'a su quelques heures avant le public. » En 2019, aussi, le label de ses six premiers albums est racheté par l’entrepreneur Scooter Braun (qui s’occupe également de Kanye West), qui récupère ainsi les droits sur ses masters. Taylor Swift décide alors de réenregistrer ses albums et incite ses fans à acheter dorénavant les Taylor’s Version plutôt que les albums originaux. Elle retire également pendant plusieurs années sa discographie de Spotify, face à une rémunération des artistes qu’elle juge trop faible. Ce qui fait dire à Romain Burrel que son côté femme d’affaires, « elle le subit plus qu’elle ne le souhaite. Quand elle réenregistre ses disques, elle fait parce qu’elle est coincée. Elle prend une décision forte, mais avait-elle vraiment le choix face à des hommes qui détenait sa musique ? Sa volonté, ça a été de reprendre le contrôle de sa musique en réaction à des hommes qui avait décidé de se l’accaparer. » « Pour elle, c’était un enjeu fondamental et un enjeu féministe d’en être la propriétaire », poursuit Morgane Giuliani. « C'est elle qui écrit ses chansons, qui parlent de sa vie, et ses albums doivent donc lui appartenir. C'est quelque chose de fort dans l'industrie musicale où les contrats sont quasiment toujours à la défaveur des artistes. Ça fait peur d'ailleurs aux labels, plusieurs ont mis en place de nouvelles règles pour empêcher le réenregistrement par les artistes, car si tout le monde fait comme Taylor Swift, ça va vraiment menacer le fonctionnement des maisons de disques. »
Une artiste engagée
Au fil des années, Taylor Swift va aussi s’affirmer comme une artiste engagée. Blanche, issue d’un milieu aisé, ayant grandi dans le Tennessee : une étiquette républicaine et conservatrice lui est rapidement attribuée à ses débuts, bien que la chanteuse n’évoque jamais la politique. « Pendant longtemps, son image a été récupérée par la droite américaine, puis même par une frange d'extrême-droite qui en avait fait son idole parce qu'elle est blanche et blonde aux yeux bleus », explique Morgane Giuliani. En 2018, elle finit par sortir de son silence et appelle ouvertement à voter pour le candidat démocrate lors des élections de midterm, face à une candidate républicaine trumpiste. Dans le documentaire Miss Americana, on la voit même s’opposer à ses proches qui lui déconseillent de prendre parti. Si son engagement à gauche ne surprend guère celles et ceux qui savaient lire entre les lignes de ses textes, Taylor Swift ne cache désormais plus ses idées. Dans la chanson You Need To Calm Down, elle défend ainsi les droits des personnes LGBT+, ou s’en prend au patriarcat dans The Man.
Toujours dans Miss Americana, elle déplore les diktats de minceur et de beauté que la société impose, auxquels elle se soumettait au début de sa carrière et qui ont provoqué chez elle des troubles du comportement alimentaire. « Ces dernières années, elle a quand même pris pas mal de positions, par exemple en faveur du mouvement Black Lives Matters, elle s'est indignée aussi récemment quand la Cour Suprême a renversé l'arrêt Roe vs Wade qui garantissait l'accès à l'IVG », rappelle Morgane Giuliani. « C'est quelqu'un qui s'est également opposée à Trump et qui avait appelé à voter Joe Biden il y a quatre ans. Elle incarne une certaine vision de la gauche aux USA qui a un peu de mal à trouver un représentant politique, c'est à dire une jeunesse qui a envie de renouveau, de diversité, d'inclusion, qui est intersectionnelle dans ses combats. »
Aujourd’hui, Taylor Swift fait d’ailleurs peur au camp républicain en vue de la prochaine élection présidentielle. « Elle ne peut pas rester silencieuse face au danger Donald Trump. Elle ne peut pas ne pas apporter son soutien de manière assez claire à Joe Biden », estime Romain Burrel. « Il doit y avoir 400 personnes dans son management qui se posent la question aujourd’hui de comment apporter son soutien à un président sortant très vieux, qui a du mal dans cette campagne, avec un bilan peut-être pas aussi bon que beaucoup de personnes l’auraient souhaité. Comment lui apporter son soutien et barrer la route à Trump sans pour autant mouiller trop la chemise ? » Selon Morgane Giuliani, « sur Fox News, c'est un sujet évoqué assez régulièrement, ils font des éditos contre elle pour dire "reste dans la musique, la politique ça ne te regarde pas", un peu comme on dirait à une femme "reste dans ta cuisine". » Mais a-t-elle vraiment un pouvoir de faiseuse de roi ? « J’ai tendance à penser que non. Ça va être intéressant de voir si elle a autant d’influence que ce qu’on lui prête », confie Romain Burrel. Ses appels à s’inscrire sur les listes électorales sont en tout cas suivis par ses fans. L’an dernier, un de ses posts sur les réseaux sociaux a provoqué 35.000 inscriptions dans les jours qui ont suivi, avec un bond de 115% des inscriptions chez les jeunes. Reste que l’image et les engagements politiques de la chanteuse restent ternis par une polémique, celle autour de son jet privé. Taylor Swift est en effet la célébrité avec la pire empreinte carbone, selon une agence spécialisé dans les mobilités durables. Qui plus est, les avocats de la chanteuse ont menacé de poursuivre en justice un étudiant qui recensait ses vols en jet privé.
Au sommet de sa carrière
Taylor Swift, première artiste milliardaire uniquement grâce aux revenus de sa musique, première artiste à obtenir quatre Grammy Awards d’album de l’année, seule artiste à avoir plusieurs albums ayant dépassé le million d’exemplaires vendus dans leur première semaine, peut-elle viser encore plus haut ? « Je pense que là maintenant, elle est au summum de sa carrière, et c'est ce qu'elle pense aussi certainement. Elle ne s'attendait pas à atteindre ces sommets-là à 33-34 ans. Elle était persuadée qu'à 30 ans plus personne n'aurait envie de l'écouter, parce qu'il y a une forme d'âgisme très fort dans l'industrie musicale, notamment dans la pop qui est un genre musical très jeune », estime Morgane Giuliani. Un sentiment partagé par son confrère Romain Burrel : « On vit dans un moment assez hystérique, elle est omniprésente. C’est la femme de tous les records, on se demande ce qu’il manque pour aller plus haut. Le plus dur commence aujourd’hui, ça va être de tenir. C’est très difficile pour une artiste de tenir plus d’une décennie. Je pense aussi qu’on pardonne moins aux femmes de vieillir qu’aux hommes. »
A en croire Morgane Giuliani, le retour de bâton se ferait même déjà sentir. « On sent une fatigue des gens qui ne l'écoutent pas à la voir partout dans les médias. Il y a une saturation médiatique autour d'elle qui va certainement retomber l'année prochaine », confie la journaliste. Mais là encore, la chanteuse pourrait bien transformer cette difficulté en force. « C'est un peu une sorte de phœnix, elle a toujours su se relever des critiques qui sont très véhémentes à son égard. C'est quelqu'un qui peu importe ce qu'elle fait ou qu'elle dit, va s'attirer des critiques très violentes. Mais je pense qu'elle a fini par apprendre à dépasser ça. Au point où elle en est, elle n'a plus rien à prouver, il ne lui reste plus qu'à faire ce qu'elle a envie », explique Morgane Giuliani. « Son dernier album, The Tortured Poets Department, elle l'a écrit pour elle, sans vraiment penser au public ou aux radios. C'est un album qui est une forme de déversoir, elle raconte les dernières années où elle a connu des choses paradoxales, entre sa carrière qui d'un seul coup atteint des sommets encore jamais vus, et sa vie privée qui s'effondre avec une rupture très difficile. »
Quelle place dans l’histoire ?
Où classer Taylor Swift dans l’histoire musicale ? Il est sans doute encore un peu tôt pour répondre à cette question, tant la chanteuse présente une impressionnante capacité à se réinventer. Romain Burrel n’ose pas se prononcer pour l’instant : « Je me demande ce qui restera de Taylor Swift dans 15 ou 20 ans. Peut-être qu’on aura affaire à une artiste totalement différente, peut-être qu’elle va disparaitre ? Aux Etats-Unis, des popstars il y en a beaucoup, mais des ultra-stars, il n’y en a pas des masses. Elle joue dans un tout petit club où elles sont une poignée à être capables de régner sur la pop. » Pour Morgane Giuliani, seule Madonna pourrait rivaliser en termes d’impact culturel. « Je pense qu'on retiendra d'elle que c'était une popstar pas comme les autres. En général, ce qu'on attend des popstars femmes, et ce n'est pas un problème, c'est qu'elles soient très sexy, très sulfureuses, qu’elles aient confiance en elles. Je pense qu'elle a offert autre chose, qu'elle a offert une pop à laquelle on peut beaucoup plus s'identifier, et qui a reflété aussi son évolution personnelle, l'évolution de ses convictions. Je pense qu'on retiendra d'elle aussi sa proximité avec ses fans, qui pour moi n'est pas possible à dupliquer. »
Musicalement, Romain Burrel qu’il manque encore quelque chose à la star. « Je l’aime beaucoup pour ce qu’elle me rappelle, plus que pour ce qu’elle est », confie-t-il. « Je ne peux pas dire que telle ou telle musique ait fait avancer le "schmilblick" de la musique. Peut-être que ce qu’il lui manque, c’est un disque un peu radical. C’est ça que j’attends d’elle aujourd’hui : qu’elle marque la musique autant qu’elle a marqué le business de la musique. » Morgane Giuliani ne partage pas le même avis : « Elle est capable de vous écrire des tubes qui ont toujours une signification. Un de ses plus gros tubes, Shake it off, est une réponse aux médias qui la caricaturent en imbécile heureuse. Il y a toujours un message dans sa musique. Je pense qu'elle sera retenue pour ça. » A l’heure où la pop propose aussi beaucoup de tubes qui se ressemblent ou inspirés de succès des décennies précédentes, Taylor Swift aurait réussi selon la journaliste à créer quelque chose de différent. « Elle compose ses propres mélodies et elle s'autoréférence elle-même. Des chansons qu'elle sort aujourd'hui font parfois référence à ses anciennes chansons », rappelle-t-elle. « Elle a vraiment créé un univers à part dans la musique pop. Je la trouve à contre-courant, le fait qu'elle essaye plein de registres musicaux très différents les uns des autres montre quand même une versatilité qui est assez rare. »
Avec son statut actuel et une vie scrutée en permanence et violemment par les médias, Taylor Swift est au cœur de nombreuses conversations aux États-Unis. « Aujourd’hui, vous êtes pour ou contre Taylor Swift, personne ne dit "je ne suis pas intéressé par le sort de Taylor Swift". Elle suscite autant d’animosité que d’admiration », observe Romain Burrel. Mais la star semble désormais s’en moquer. « Une chanson comme Shake it off, ça fait un peu écho à ça. » Les paroles étaient en effet très claires : « Les haters vont rager, rager, rager. Je vais juste m’en foutre et ignorer. »