Un p'tit truc en plus : le film d’Artus va-t-il enfin faire bouger les choses ?
14 mai 2024 à 16h35 par Robin Lecomte
Il aura fallu une petite phrase pour que les choses bougent (un peu). Le réalisateur Artus avait déploré il y a quelques jours qu'aucune marque n'ait souhaité prêter de costumes à l'équipe de son film « Un p’tit truc en plus » pour la montée des marches à Cannes. Un groupe de luxe s’est finalement porté candidat.
Mieux vaut tard que jamais ! Il y a quelques jours, l’humoriste et réalisateur Artus déclarait lors d’une interview à France Inter qu’aucune marque ne voulait prêter des costumes aux acteurs du film, porteurs de handicap. "On nous sort des histoires de quotas, en disant 'On a déjà prêté tous nos costumes ‘(…) Je pense que c'est toujours plus élégant pour une marque d'habiller Brad Pitt que d'habiller (...) Artus et encore plus des acteurs en situation de handicap".
Et c’est donc officiel, l’équipe du film Un petit truc en plus sera habillée par le groupe Kering, qui détient Balenciaga, Gucci ou Yves Saint Laurent, lors de sa montée des marches au festival de Cannes. Un joli coup de pub pour le groupe du milliardaire François Pinault, qui saisit l’occasion de se faire une belle image. Mais cela en dit long sur le chemin qu’il reste à parcourir.
Un manque de représentativité
Pendant encore combien d’années, faudra-t-il toujours nécessairement de bonnes critiques, 2 millions d’entrées et un coup de gueule du réalisateur, pour que les comédiens handicapés soient traités à l’égal de leurs pairs ? Et c’est précisément ce que le film cherche à montrer, l’acceptation de la différence pour en faire une normalité.
Pour certains acteurs handicapés, l’intégration doit aller encore plus loin. Ils aimeraient ne pas être cantonnés aux rôles d’handicapés, pouvoir jouer des valides. Quoi de plus normal quand on sait qu’à Hollywood, plus de 95 % des rôles de personnages handicapés sont tenus par des valides. En attendant que les rôles s’échangent dans les deux sens, les acteurs handicapés peinent toujours à trouver des rôles, et ce quels qu’ils soient.
Malgré tout, la cause avance et les mentalités avec. Le nombre de films, documentaires et pièces de théâtres en lien avec le handicap augmente. Même la mode, industrie pourtant si conservatrice, commence à comprendre le potentiel de ces personnes bien trop souvent oubliées. L’exemple parfait est Sofia Jirau, atteinte de trisomie 21, qui est devenue, il y a deux ans, l’égérie de Victoria’s Secret.
Succès au box-office
Ce message de tolérance, les spectateurs d’Un p’tit truc en plus l’ont pourtant bien perçu. Ce qui ressort du film, chez la majorité d’entre eux, c’est l’efficacité de la comédie. Les blagues font mouche et permettent de rire d’un sujet assez difficile de prime abord. Ici, ce n’est pas la caricature du handicap qui est utilisée, mais l’inverse. Ce sont les acteurs handicapés qui créent les situations comiques, ce qui permet de rire avec eux et non d’eux.
Une différence significative avec de nombreuses autres comédies et qui n’est pas sans rappeler l’immense succès du film Intouchable, avec François Cluzet et Omar Sy. Ce dernier, plus centré autour du handicap moteur que mental, avait ravi les spectateurs par la finesse de son côté comique mais surtout par l’équilibre entretenu avec l’aspect touchant du film.
Car l’efficacité d’Un petit truc en plus se trouve également dans sa sensibilité. En France, en 2021, 6,8 millions de personnes sont atteintes d’un handicap, soit 13% de la population. Ce chiffre montre que tout le monde connaît de près ou de loin une personne handicapée. A travers son film, Artus ouvre le regard du grand public sur le handicap. Différents aspects qui viennent expliquer ce succès fulgurant mais surtout casser les codes et les préjugés. Espérons maintenant que les patrons des grandes marques de luxes iront voir le film et qu’ils comprendront la valeur de ce petit truc en plus.